Une division par deux du bitcoin en 2020
Publié le 23/01/20 par l’Institut Sapiens et le 24/01/20 par Contrepoints
Pour l’exercice prospectif 2020 de l’Institut Sapiens, j’ai courageusement choisi de prédire un événement qui a 99% de chances de se réaliser. En mai 2020, le rythme de création de bitcoins sera divisé par deux. La prime de minage passera de 12,5 à 6,25 bitcoins par bloc de transactions validé.
Rappelons que cette prime est la récompense versée automatiquement aux mineurs pour les inciter à “travailler” au service du système Bitcoin. Elle s’ajoute aux frais de transaction qu’ils reçoivent des utilisateurs. Cette division par deux (“halving”) est prévue, dans le protocole Bitcoin, pour intervenir tous les 210 000 blocs, soit tous les quatre ans sachant qu’un bloc est créé toutes les 10 minutes en moyenne.
Le halving de 2020 se produira au bloc 630 000. Le premier bloc miné en 2020 (heure française) a été le bloc 610 682.
En 2009, 50 bitcoins étaient émis par bloc, montant automatiquement ramené à 25 le 28/11/12, puis à 12,5 le 09/07/16. Le quatrième halving aura lieu en 2024, au bloc 840 000. La subvention des mineurs tombera alors à 3,125 bitcoins par bloc.
Une monnaie désinflationniste
Ces caractéristiques font du bitcoin une monnaie désinflationniste (son taux d’inflation monétaire diminue avec le temps), susceptible de favoriser une économie déflationniste (les prix tendraient à baisser naturellement).
Pour que le halving n’ait pas lieu en 2020, il faudrait que le bitcoin s’effondre et soit rayé de la carte en quelques mois, ce qui semble assez peu probable. On peut aussi imaginer qu’un consensus aboutisse, d’ici là, à reparamétrer son régime d’émission. Mais ce dernier n’a jamais été modifié et il est peu probable qu’il le soit un jour car sa prévisibilité est l’un des atouts majeurs de Bitcoin.
La régime monétaire de Bitcoin est l’inverse d’une politique discrétionnaire : ses règles sont explicites, officielles, précises, transparentes, auditables, réputées intangibles et ne laissant aucune place à l’arbitraire. Bitcoin est, en quelque sorte, un système monétaire sans politique monétaire.
Bitcoin a été pensé comme un métal précieux : une ressource de quantité finie mais très divisible, extraite de plus en plus progressivement et au prix d’efforts considérables, et dont la rareté relative est un atout pour favoriser son adoption progressive en tant que monnaie. Le rythme de “production” de bitcoins est même bien plus régulier et prévisible que celui d’un métal précieux. L’émission de bitcoins n’est soumise à aucun aléa. Aucun gisement miraculeux de bitcoins ne sera jamais découvert en Amazonie, en Californie ou sur un astéroïde.
Spécificité majeure de Bitcoin : contrairement à toute autre forme de monnaie, une hausse de la demande de bitcoins n’entraîne aucune augmentation de sa production (donc de dilution de sa valeur unitaire). Elle enclenche, au contraire, un étonnant cercle vertueux.
D’une part, toute hausse de la demande tend à faire monter le cours du bitcoin, ce qui attire d’avantage de mineurs et aboutit donc à renforcer la difficulté du minage (grâce au mécanisme d’ajustement périodique et automatique prévu par le protocole).
D’autre part, ce renforcement de la difficulté du minage signifie une augmentation de la sécurité du réseau, qui est de nature à rendre le bitcoin plus attractif aux yeux des utilisateurs, et donc à stimuler ainsi à nouveau la demande de bitcoins. Ce mécanisme n’a aucun équivalent dans l’histoire monétaire. Il est l’une des clés pour comprendre le développement du bitcoin depuis 10 ans contre les pronostics de la plupart des économistes.
Le halving a bien sûr une influence déterminante sur le business model des mineurs. Cet événement étant prévisible, ils peuvent s’organiser pour le prendre en compte dans leur gestion, en fonction de l’impact de l’évolution du cours sur leur rentabilité.
Quel impact sur le cours du bitcoin ?
Des débats nourris ont justement lieu pour essayer de prévoir l’impact du halving de 2020 sur le cours, notamment parce que ce dernier a explosé dans les mois qui ont suivi les deux précédents halvings, en 2012 et 2016. Un des éléments de ce débat est le ratio “stock-to-flow”(S2F). L’histoire économique montre que les monnaies qui ont survécu à long terme sont celles dont le rythme d’émission était modéré par rapport au stock d’unités existantes : celles avec un ratio S2F élevé.
Le ratio S2F des monnaies étatiques contemporaines est faible car leur rythme d’émission est rapide. Le ratio S2F de l’or est nettement plus élevé. Celui du bitcoin représente actuellement moins de la moitié de celui de l’or.
Mais chaque halving fait franchir un nouveau palier au ratio S2F du bitcoin. A la suite du halving de 2020, le ratio S2F du bitcoin dépassera celui de l’or (vers 2022). Il en représentera le double en 2025 et continuera d’augmenter par la suite, comme l’a calculé l’économiste Saifedean Ammous dans son ouvrage The Bitcoin Standard (2018).
De ce point de vue, le bitcoin est en train de devenir une monnaie plus “dure” que l’or : une monnaie plus difficile à produire et dont la rareté relative la rend plus à même de conserver du pouvoir d’achat et de servir de réserve de valeur.
Par ailleurs, une corrélation significative entre le cours moyen de long terme du bitcoin et son ratio S2F a été mise en évidence par plusieurs analystes (voir le premier et deuxième article de Plan B, et l’actualisation graphique).
Toute la question est de savoir si cette corrélation se maintiendra dans les années qui viennent. Si oui, cela signifiera une hausse spectaculaire du cours du bitcoin.
Mais Bitcoin s’est toujours ingénié à déjouer tous les pronostics…