En 2022, une crispation réactionnaire anti-Bitcoin ?
Publié le 26/02/22 dans “2022 vu par l’Institut Sapiens”
En 2022, sauf retournement prématuré du marché, l’adoption du bitcoin dans le monde devrait se poursuivre.
De plus en plus d’individus, d’entreprises et d’institutions utiliseront le bitcoin comme valeur refuge face à l’inflation monétaire et à l’inflation des prix. Un nombre croissant d’activistes et de militants des droits de l’homme trouveront aussi dans Bitcoin un moyen de se protéger face à l’autoritarisme, la surveillance et l’arbitraire politiques.
Différents instruments continueront d’être perfectionnés pour favoriser l’usage quotidien du bitcoin, notamment de nouveaux wallets ou des outils comme ceux de l’entreprise Strike qui facilite les transferts de fonds d’immigrés vers leurs pays d’origine.
Le « boom » du protocole Lightning network observé en 2021 devrait se poursuivre, facilitant ainsi une infinité de transactions instantanées de petits montants sur le réseau Bitcoin, pour des frais négligeables et sans dépense énergétique additionnelle. Il sera toutefois encore trop tôt pour que les commentateurs prennent en compte cette évolution (bien que ce dispositif fonctionne depuis 2018), et ces derniers continueront donc, en toute insouciance, de produire des analyses périmées sur la question du passage à l’échelle de Bitcoin.
La puissance de calcul globale du minage, qui a retrouvé en quelques mois son niveau précédant l’interdiction chinoise, devrait continuer de progresser, ce qui renforcera le niveau de sécurisation technique déjà inégalé du système Bitcoin. En outre, les mineurs rechercheront, plus que jamais, des surplus de production électrique, contribuant ainsi à rendre rentables de plus en plus de sites de production d’EnR partout dans le monde.
Une attention particulière pourra être réservée à l’expérience salvadorienne de cours légal du bitcoin et d’émission obligataire d’un milliard de dollars utilisant une blockchain liée à Bitcoin (la sidechain Liquid) et devant permettre d’acheter pour 500 M USD de bitcoins. Si elle ne rencontre pas de difficultés opérationnelles majeures, elle pourrait inspirer d’autres petits Etats ou collectivités publiques dès 2022. Par exemple, la municipalité de Miami, déjà très favorable au bitcoin, pourrait faire de nouvelles annonces.
L’ensemble de l’écosystème des cryptomonnaies devrait, lui aussi, poursuivre son développement, même si la bulle des NFT (non fongible tokens) pourrait se dégonfler, suivant l’exemple de celle des ICO (initial coin offerings) en 2018 : dans les deux cas, un concept prometteur aura engendré des espoirs excessifs et une spéculation financière délirante.
Mais si ces toutes évolutions positives se confirment, elles alimenteront probablement, en retour, une intensification de la crispation réactionnaire anti-Bitcoin.
Certaines questions adressées au projet Bitcoin sont légitimes car ce sujet est encore relativement nouveau, complexe et difficile à comprendre. Mais de nombreuses réponses sont désormais disponibles facilement sur internet à quiconque veut bien se donner la peine de les consulter. Or elles ne sont presque jamais prises en compte par ceux dont le métier-même est de s’informer et d’éclairer le public.
Cela s’explique notamment par le fait que certains acteurs voient leur pouvoir cruellement remis en question par l’essor de Bitcoin : il n’y a aucune raison pour qu’ils assistent à ce spectacle sans réagir vigoureusement, et il est donc compréhensible qu’ils actionnent les moyens de communication et d’influence pratiquement illimités dont ils disposent.
Mais la résistance anti-bitcoin a aussi des motifs idéologiques profonds. Le bitcoin est la monnaie de la « société ouverte » au sens de Karl Popper. C’est une monnaie libre. Chacun peut l’utiliser s’il le souhaite et personne n’est obligé de le faire. Les transactions et le registre comptable sont publics. Le logiciel est libre de droits. Son régime monétaire est prévisible, automatique et non-manipulable.
Ces caractéristiques engendrent chez certains les mêmes réactions obsessionnelles et totalitaires que les grands principes de la civilisation occidentale et de l’individualisme démocratique (la propriété, la liberté d’expression, la responsabilité individuelle, l’échange, le pluralisme critique, etc.). Pour les amateurs de contrôle politique, de monopole public, de coercition et de collectivisme, aucun argument de mauvaise foi ne saurait être négligé pour entraver l’essor de Bitcoin.
L’année 2022 offrira donc sans doute aux anti-bitcoins de nouvelles occasions de diffuser massivement les contre-vérités auxquelles le grand public est désormais habitué :
- le Bitcoin a définitivement échoué puisqu’il n’est toujours pas adopté universellement après 13 ans d’existence ;
- sa volatilité démente l’empêche à tout jamais de sortir du statut de vile actif spéculatif ;
- c’est un désastre écologique cataclysmique et ses promoteurs sectaires méritent d’être écartelés, etc.
A mesure que l’adoption et les cours progresseront, on verra aussi prospérer un argument relativement récent : le bitcoin et les cryptomonnaies représentent un risque croissant pour l’équilibre financier mondial (surtout si leur corrélation avec les actifs traditionnels augmente) et méritent donc d’urgence d’être étroitement encadrés ou même interdits.
Ce tir de barrage fastidieux n’empêchera nullement Bitcoin de continuer à se développer. Mais il contribuera sans doute à ralentir son adoption. Pour les personnes encore dotées de sens critique et capables de résister à cette propagande permanente, cela représentera une opportunité inespérée pour acquérir des bitcoins à des prix raisonnables.
Les autres continueront de gober toutes crues ces fadaises, et également l’attrape-nigaud des projets de « monnaies numériques de banques centrales » qui, à l’inverse de Bitcoin, favoriseront la spoliation inflationniste et la surveillance de la vie privée.